Page mise à jour le 23/02/2014

Charles De Gaulle
dit le "Grand Charles"

- Comment vous appelez un pays qui a comme président un militaire avec les pleins pouvoirs, une police secrète, une seule chaîne de télévision et dont toute l'information est contrôlée par l'état ?
- J'appelle ça la France mademoiselle ! Et pas n'importe laquelle. La France du Général de Gaulle ! 
(1)

Charles de Gaulle, (1890-1970)

A 15 ans, il écrit une histoire à la première personne, il se décrit en "Général de Gaulle" et dit vouloir sauver la France ! Mais heureusement il n'y avait plus depuis longtemps aucun anglais à bouter hors de France. On n'allait donc par rejouer Jeanne d'Arc une seconde fois… Mais De Gaulle savait attendre ! Il devient militaire de carrière.

La guerre de 14-18

Il est capitaine d'infanterie et n'en fait qu'à sa tête. (Cela lui vaudra d'être relevé huit jours de son grade). Il est blessé, puis fait prisonnier par les allemands. Il essaie de s'évader plusieurs fois (en vain) et n'est libéré qu'à l'armistice en 1918.

Entre les deux guerres

Il donne des conférences à l'école de guerre… ça l'occupe ! Dans ses correspondances privées il exprime son scepticisme pour le parlementarisme et ses vœux pour un "état fort". Il milite aussi pour une armée de métier (ce qui lui vaut l'hostilité de Léon Blum qui craint son emploi contre des manifestants ou des grévistes - et de Gaulle dans un courrier à Paul Reynaud n'exclura pas cette possibilité)

Quelques-uns de ses propos

"Il faut qu'un maître apparaisse, indépendant dans ses jugements, irrécusable dans ses ordres, crédité par l'opinion. Serviteur du seul Etat, dépouillé de préjugés, dédaigneux des clientèles, commis enfermé dans sa tâche, pénétré de longs desseins, au fait des gens et des choses du ressort, faisant corps avec l'armée, dévoué à ceux qu'il commande, homme assez fort pour s'imposer, assez habile pour séduire, assez grand pour une grande œuvre, tel sera le ministre, soldat ou politique, à qui la patrie devra l'économie prochaine de sa force." (Vers l'armée de métier 1934)
"Il n'est point de regroupement, de parti, de consul, qui n'invoque le redressement, l'ordre nouveau, l'autorité" (idem)
"On ne fait rien de grand sans de grands hommes, et ceux-ci le sont pour l'avoir voulu." (Le fil de l'épée 1932)
Il déclare son admiration pour Louvois et Carnot qu'il nomme : "dictateurs de guerre".
Un grand démocrate n'est-ce pas ?

La déclaration de guerre en 1939

Lorsque la guerre éclate, Charles de Gaulle est colonel, on lui confie la direction de la plus puissante des grandes unités blindées de l'armée française (364 blindés). Il fait ce qu'il peut avec une armée non préparée et non intégralement regroupée. Dans la foulée il est nommé général de brigade.

Le 6 juin, il est nommé secrétaire d'État à la Guerre et à la Défense nationale. Mais il ne conservera pas ce poste quand Pétain deviendra président du conseil. Il s'enfuit à Londres et le 18 juin 1940 il lance un appel à la résistance.

De Gaulle à Londres

Le 19 juin, Le Général Weygand, qui est le supérieur hiérarchique de De Gaulle, lui ordonne en vain de revenir de Londres. Du coup, de Gaulle est dégradé, puis jugé par contumace par deux tribunaux successifs, le second le condamnera à mort 2 août 1940.

A Londres, il parvient à coordonner la plupart des mouvements de résistances, se fait reconnaître comme le chef de la "France Libre" et s'assure de la fidélité des troupes postés en outre-mer. Si les relations avec Churchill sont tendues mais correctes, il n'en est pas de même avec Roosevelt, qui n'en voulait à aucun prix pour gouverner la France estimant qu'il avait des prédilections dictatoriales. "De Gaulle est un fanatique, et je crois qu’il a pratiquement tout du dictateur..." et lui préférait le Général Giraud.

De Gaulle rentre en France le 14 juin 1944, 8 jours après le débarquement allié sur les plages de Normandie.

Libération

Paris est libéré par le général Leclerc le 25 août. De Gaulle met en scène son propre triomphe : réinstallation symbolique au ministère de la Guerre, discours à l'Hôtel de ville et le lendemain descente des Champs-Élysées.(2)

Gouvernement provisoire

Le 9 septembre, De Gaulle constitue un gouvernement provisoire d'unité nationale. Il est obligé de composer avec les partis de gauche et de centre gauche qu'il exècre. Le droit de vote est accordé aux femmes, on nationalise des grandes entreprises, on met en place la sécurité sociale. De Gaulle gracie Pétain qui avait été condamné à mort et commue sa peine en réclusion perpétuelle
Le vote des crédits militaires lui servira de prétexte pour démissionner.

Le RPF

En 1947, il fonde, le Rassemblement du peuple français (RPF), reprenant toutes ses idées exprimés avant-guerre : Etat fort, association-capital-travail, armée de métier, anticommunisme viscéral… C'est quoi qu'il s'en défende, très, très à droite, tout ça !

Le RPF connait des succès certains (35 % aux municipales de 1947, 22 % aux législatives de 1951) avant de s'écrouler.

De Gaulle s'exile à la campagne (à Colombey-les-Deux-Églises)

Le coup d'état du 13 mai 1958

La guerre d'Algérie a commencé par l'insurrection du 1er novembre 1954, les gouvernements pataugent… Le 13 mai 1958, un "comité de salut public" dirigé par le général Massu appelle à manifester à Alger et lance un appel au général de Gaulle, lequel se dit prêt "à assumer les pouvoirs de la République".

Le 29 mai, le président René Coty, fait appel à De Gaulle qui devient président du conseil. Il obtient la confiance de l'Assemblée (329 voix sur 553) qui lui laisse la possibilité de gouverner par ordonnance pendant 6 mois, et l'autorisent à réformer la constitution.

De Gaulle parvient à imposer ses vues mais pas toutes (pour l'élection du président au suffrage universel il devra attendre 1962)

La nouvelle constitution est adoptée par référendum le 28 septembre 1958, (79 % de oui).


De Gaulle vu par Moisan

Président de la Ve République

Le 8 janvier 1959 .De Gaulle devient le premier président de la 5ème république.

La guerre d'Algérie

En Algérie, De Gaulle est pris dans une situation contradictoire : Le 4 juin 1958 : il lance à Alger un "Je vous ai compris !" resté célèbre car cette formule ne comprend absolument aucune promesse ! Il se rend compte que la guerre ne peut être gagné, que le slogan "Algérie Française" est absurde, mais ne peut se décider à accorder l'indépendance aux algériens sans perdre la face. Aussi alterne-t-il les politiques de la carotte et du bâton. Et si dès 1959 De Gaulle parle de l'autodétermination de l'Algérie, c'est surtout la répression qui est employée de façon féroce, accompagnée de tortures systématiques et d'assassinats politiques (500 entre 1958 et 1961).

En avril 1961, 4 officiers supérieurs fomentent un putsch à Alger, soutenu par une bonne partie de l'opinion publique des français d'Algérie (pieds noirs) Le putsch sera un échec mais une organisation terroriste prônant l'Algérie française, l'OAS commettra des attentats sanglants aussi bien en Algérie qu'en métropole.

En 1961-1962, le préfet de police Maurice Papon fut responsable
 de deux massacres collectifs :

- En mars 1958, il ordonne de réprimer de façon extrêmement violente une manifestation pacifique des algériens de Paris. Il y aura des arrestations massives, des séances de passages à tabac systématiques, au moins 50 manifestants décéderont dans la cour de la préfecture de police, au moins 150 corps seront également repêchés dans la Seine.
- Le 8 février 1962, la police réprime sauvagement sous sous son ordre une manifestation anti-OAS : Bilan 8 morts, la plupart ayant été écrasé par la projection de lourdes grilles de fer entourant le bas des arbres aux pieds des escaliers de la station de métro Charonne
Dans les deux cas, De Gaulle couvrit totalement son haut fonctionnaire.

En 1962 De Gaulle fit adopter par référendum l'indépendance de l'Algérie, effective en juillet 1962. Quant aux sorts peu enviables des pieds noirs (rapatriés dans des conditions souvent déplorables) et des supplétifs de l'armée française (les harkis) carrément abandonnés par la France et dont la plupart furent massacrés, De Gaulle s'en désintéressa.

22 Août 1962 : Un petit groupe de fachos appartenant à l'OAS ratent un attentat contre De Gaulle au Petit Clamart. Le principal protagoniste sera condamné à mort et fusillé.(3)

1962-1965

Il fallait tourner la page de la guerre d'Algérie : De Gaulle changea de premier ministre, Pompidou remplace Debré, et un référendum fut proposé afin d'élire le président au suffrage universel (62 % de oui). Reforme stupide qui créait une élection supplémentaire et bloquant la vie politique pendant tous les mois de pré-campagne.

Au présidentielles de 1965, De Gaulle est mis en ballotage (45 %) mais passe au 2ème tour (55 %) face à François Mitterrand

En Afrique

Les droits de l'homme, la démocratie, tout cela ne l'intéresse pas, seul compte "les intérêts de la France". A ce titre il fait intervenir l'armée au Gabon (1964) et au Tchad (1968).


affiche de Mai 1968

Mai 1968.

En 1968 une vague de contestation fait tache d'huile en Europe et dans le monde, principalement dans les milieux étudiants. Elle gagne la France fin mars 1968 à la façon d'une spirale (on arrête des manifestants, on manifeste pour réclamer la libération des militants arrêtés et ainsi de suite et de façon de plus en plus violente.) Les étudiants affrontent les policiers au quartier latin, construisent des barricades. Les syndicats et partis de gauche d'abord réservé sur le mouvement finissent par le rejoindre et s'installe dans la grève générale. De Gaulle ne comprend rien et ordonne la répression.

A la mi-mai la grève est à son paroxysme. De Gaulle laisse Pompidou se débrouiller et s'en va en voyage officiel en Roumanie.

Le 24, il fait un discours qui ne sert à rien. . "La rue, c'est le désordre, la menace du totalitarisme, "la chienlit…" On continue à se battre dans les rues de Paris.

Le 26 mai Pompidou abat sa première carte : ce sont les accords de Grenelle avec les syndicats : diminution du temps de travail et augmentations de salaires  (qui seront bouffés par l'inflation), mais la base les rejettent. Les grèves continuent. Un meeting le 27 lance l'idée d'un gouvernement provisoire, et François Mitterrand se déclare prêt.

Le 29 mai, De Gaulle disparaît avec son épouse, en fait il était allé s'assurer auprès du général Massu du soutien de l'armée au cas où… Il revient rassuré et abat la seconde carte de Pompidou : La dissolution de l'assemblé Nationale. Dans la foulée une immense manifestation anti-mai 68 se déroule sur les Champs Elysées. Malgré le fait que la préfecture de police annonça 300.000 manifestants (ce qui est déjà un estimation haute), la propagande officielle nous fit croire très longtemps qu'il y en eut 1 million.(4)

Bien joué, Pompidou ! Persuadé qu'ils vont gagner les élections, les partis de gauche font pression sur les syndicats pour que les grèves s'arrêtent. Ce ne sera pas évident mais le mouvement de reprise d'enclenche. Mauvaise analyse : Les gaullistes et leurs alliés obtinrent 354 sièges sur 487 ! De Gaulle pour remercier Pompidou de ses loyaux services le remplaça par Couve de Murville.

Fin de règne

Paradoxe : L'assemblée est trop à droite pour entamer des réformes pourtant nécessaires, La popularité de De Gaulle s'effrite. A droite certains pensent déjà que Pompidou pourrait représenter un recours.

De Gaulle a la drôle d'idée, histoire de rebondir d'organiser un référendum portant sur la régionalisation. En fait il veut en faire un plébiscite, pour ou contre De Gaulle annonçant qu'en cas de victoire du non il démissionnerait. C'est ce qui s'est passé. Le 28 avril 1969, il démissionne.

La fin

Eloigné de toute vie politique, De Gaulle aura néanmoins le geste incongru d'aller faire une visite "de courtoisie" au dictateur espagnol, Franco, déclarant regretter ne pas avoir pu le rencontrer plus tôt…

De Gaulle meurt le 9 novembre 1970 en faisant une réussite.

De Gaulle et la censure

Le cabinet ministériel du général de Gaulle comprenait un ministère très spécial, le ministère de l'information. Celui-ci dirigé notamment par Jacques Soustelle, Roger Frey, Alain Peyrefitte (trois fois) Yvon Bourges, Yves Guéna avait pour mission de museler l'information, les titres du journal télévisé étaient soumis à une censure préalable. A ce point que les journalistes baptisèrent ce ministère : le ministère de la censure. Les journaux "papier" avaient la possibilité d'être censurés et le pouvoir ne s'en est pas privé. En 1970, à la mort du général alors que la classe politique versait des larmes de crocodiles: Raymond Marcellin, ministre de l'intérieur de Pompidou interdit Hara-Kiri hebdo : Le journal avait titré son dernier numéro "Bal tragique à Colombey : 1 mort" rapprochant la mort de De Gaulle avec la tragédie du dancing de Saint-Laurent-du-Pont.

Quant à la situation des publications "pour adultes" la censure était surréaliste : Par décision sans appel du ministère de l'intérieur, on pouvait interdire un ouvrage à la fois à la vente aux mineurs, à l'affichage et la publicité, autrement dit on avait le droit de publier un livre érotique mais pas de faire savoir qu'on l'avait édité. Mais la censure se contourne toujours, car c'est bien dans ces conditions ubuesque que Emmanuelle fut publiée en 1959 par Eric Losfield.


Sa statue aux Champs Elysées
devant le Grand Palai
s

De Gaulle et les femmes
 
Yvonne de Gaulle (1900-1979) fut la seule épouse de Charles de Gaulle. Surnommée Tante Yvonne, très austère et coincée de la culotte. En 1966, sous sa pression, Yvon Bourges, sous-ministre de l'information de De Gaulle interdit la distribution et l'exportation du film "La religieuse de Diderot" de Jacques Rivette. Le sinistre Alain Peyrefitte parle d'un " film blasphématoire qui déshonore les religieuses" (la décision sera annulée 1 an plus tard par le tribunal administratif)
On ne lui connaît aucune maîtresse. Quand à la gaudriole, on ne cite que cette répartie prononcé à la soirée inaugurale du plafond peint par Chagall à l’Opéra Garnier. Pendant l'entracte, le général avait pour voisin d'urinoir André Malraux qui ne cessait de s'exclamer :
- "C’est magnifique mon général !"
De Gaulle aurait alors répondu : "Je vous en prie Malraux, regardez devant vous."

Citations

- Comme un homme politique ne croit jamais ce qu'il dit, il est étonné quand il est cru sur parole.
- Comment voulez-vous gouverner un pays où il existe 258 variétés de fromage ?
- L'avenir dure longtemps
- La guerre, c'est comme la chasse, sauf qu'à la guerre les lapins tirent
- La vieillesse est un naufrage.
- Pour faire le blocus de Monaco, il suffit de deux panneaux de sens interdit
- Prenez invariablement la position la plus élevée, c'est généralement la moins encombrée.
- Roosevelt est fou, Churchill est un gangster !
- Un ministère de la condition féminine ? Et pourquoi pas un sous-secrétariat d'Etat au tricot ?
- A trop vouloir dîner en ville dans le Tout-Paris, comme aiment le faire les Pompidou, et à y fréquenter trop de monde et de demi-monde, il ne faut pas s’étonner d’y rencontrer tout et n’importe qui !», (cité par son fils Philippe de Gaulle, Mémoires accessoires 1947-1979, Plon, 2000)

Postérité

Les gens n'ont aucune mémoire : Oubliée sa politique africaine, oublié son mépris de la démocratie, oublié les errements de la politique algérienne, oublié son "ministère de la censure", oublié son orgueil démesuré. De Gaulle bénéficie du consensus de l'oubli, (un peu et toute proportion gardée comme Napoléon Bonaparte, Robespierre, voire même Lénine et... Staline en Russie). On en retient que les côtés positifs sans souvent être capable de les énumérer correctement !

En novembre 2010, un sondage demandait aux gens quel était le plus important personnage de l'histoire de France : Réponses : De Gaulle (44 %), devant Napoléon (14 %), Charlemagne (14 %), Jean Jaurès (12 %), Louis XIV (7 %) et Léon Blum (4 %). Edifiant !


Notes
(1)
Dans OSS117- Rio ne répond plus (Michel Hazanavicius - 2008)
(2) Le jour où il descendit les Champs en vainqueur, il est en tête, suivi des chefs de la résistance. A un moment Georges Bidault rejoint le général et se met à sa hauteur
- Qui êtes vous ? demande de Gaulle (qui le sait très bien)
- Georges Bidault, président du conseil national de la résistance.
- Trois pas en arrière, monsieur !
Bidault, humilié obtempéra...
Par la suite Bidault tournera mal et on ira jusqu'a effacer son image de la photo (source : Marc Ferro,  "Instrumentalisation – Cinéma d’histoire et manipulation.)
(3) Les deux autres condamnés à mort seront graciés. Tout ce petit monde sera libéré en 1968 et reprendra comme si de rien n'était son activité dans les pires eaux troubles de l'extrême-droite.
(4) Pour réunir 1 million de personnes sur les Champs Elysées, sachant qu'ils mesurent 1910 m de long pour 70 de large donc 133.700 m², chaque personne ne pourrait disposer que d'un espace vital de 0,13 m² (c'est d'ailleurs un maximum car, il faudrait-il enlever les arbres, les terrasses et autres obstacles infranchissables... ainsi que les trottoirs non occupés ce jour là par les manifestants). Cette même approximation démontre aussi qu'il n'y a jamais eu non plus 1 million de personnes sur les Champs, le soir de la finale de football de 1998. En fait il ne peut et n'y aura jamais 1 millions de personnes sur les Champs-Elysées ! (même en y adjoignant la Place de la Concorde.). Il semble que la bonne approximation pour une foule en marche soit de 2 personnes par m², ce qui ferait donc un maximum de 300.000 personnes !