Les
femmes et les hommes qui exercent la prostitution sont très
exposés à de multiples formes de violences. A l’occasion de la
journée mondiale de lutte contre les violences faites aux
travailleuses/eurs du sexe (17 décembre), Médecins du Monde
appelle à la décriminalisation du travail du sexe.
Médecins du Monde se positionne
en faveur de la décriminalisation du travail du sexe,
autrement connu sous le terme de prostitution. A l’occasion de
la journée mondiale de lutte contre les violences faites aux
travailleuses/eurs du sexe, l’ONG rappelle « les conséquences
des lois répressives qui encadrent le travail sexuel sur la
santé et l’intégrité physique des travailleuses/eurs du
sexe ».
Ainsi par exemple, « en France,
un peu plus d’un an et demi après l’adoption de la loi visant
à lutter contre le système prostitutionnel, nous constatons
sans ambiguïté l’impact délétère des mesures
adoptées », poursuit MSF. « Confirmant nos pires craintes,
nous assistons à l’isolement, la précarisation des
travailleuses/eurs du sexe, leur éloignement des structures de
soins et de prévention ainsi qu’à l’augmentation des
expositions aux infections sexuellement transmissibles et à
l’augmentation des violences à leur encontre », précise le Dr
Françoise Sivignon, Présidente de Médecins du Monde.
Or Médecins du Monde-France se
positionne clairement aujourd’hui « en faveur d’une
décriminalisation du travail du sexe et de la mise en place de
politiques publiques favorisant l’accès aux soins et aux
droits des travailleuses/eurs du sexe ». Tout en
dénonçant « avec force toute forme d’exploitation, de
contrainte, de trafic et de violence exercée à l’encontre des
êtres humains ».
https://www.ladepeche.fr/article/2017/12/15/2705325-travailleuses-eurs-du-sexe-victimes-de-violences.html
On ne peut qu'applaudir à cette prise de position ! Mais allez
donc faire comprendre ça à nos ultra-féministes
institutionelles ?
Nous
reproduisons ici un excellent article de Mélodie Nelson publié
dans le journal de Montréal
J’ai eu un client qui me parlait d’un chat en Algérie, un chat
qui n’appartenait à personne ou à tout le monde, et qui
montait et descendait l’ascenseur de la tour d’habitations où
il logeait.
Un jour, quand Samil avait une dizaine d’années, le chat a
disparu. Quand Samil me quittait, il prenait mon visage dans
ses mains et il me disait que j’étais émouvante. Il me le
répétait, chaque fois, chaque semaine pendant près d’un an, et
je le croyais. Il avait les larmes aux yeux, et je le rendais
ému, juste en l’écoutant. Nous parlions toujours, nus, sur des
draps que j’avais du mal à plier, déplier, bien placer autour
du matelas.
J’avais un client qui me parlait de sa grand-mère. Un autre
qui était directeur de prison à New York. Il aimait Mylene
Farmer et me parlait de la teinte de gris qu’il avait choisi
pour les murs de sa maison. Un autre qui demandait à lécher
mes fesses, à me prendre comme je préférais, lui derrière moi,
sa bouche dans mon cou et mes cheveux parfois tirés, et qui
était très gêné la fois où son fils de douze ans lui a
téléphoné pour lui mentionner qu’il avait oublié ses clés.
Ils seraient tous criminels maintenant.
Même le père de mes enfants, celui que j’ai connu il y a près
de douze ans, au lit, avant de le connaître devant moi, à
manger du gâteau breton au petit déjeuner, ou à mes côtés, à
recoudre les yeux des peluches de notre fille.
Comme les six hommes – dont un ancien député - arrêtés
récemment dans Ahuntsic-Cartierville, dans une rue où motels
et condos récents cohabitent.
La loi interdit toute sollicitation de services sexuels
tarifés. La loi n’interdit pas aux passants dans la rue de
siffler les filles, de leur demander leur numéro de téléphone,
de passer du temps à plaisanter sur le temps que ça leur
prendrait de jouir sur le visage d’inconnues. C’est pas
interdit, ça. Comme mon ami Éric le suppose, on criminalise
juste le harcèlement de rue quand il implique un tarif : "Aye
moé j'te fourrerais" = OK "Combien tu coûtes?" = CRIMINEL »
Jérôme, un client qui préfère les salons de massages et les
rapports qui impliquent consentement et poésie, s’étonne et se
fâche de cette hypocrisie insensée : Depuis quand, en
démocratie, poser une question est un crime ? Si je demande à
une femme combien elle charge et qu’elle n’est pas
travailleuse du sexe, elle peut simplement me dire qu’elle
n’est pas dans l’industrie. Qu'y a-t-il de criminel là-dedans ?
C'est d'autant plus aberrant qu'aucune loi ne criminalise une
demande de services sexuels, pour autant qu'il n'y ait pas de
rémunération en jeu. Donc, une scène classique dans un bar
style « Je me cherche de la compagnie pour ce soir. Es-tu
libre ? » est ok, même si la personne pose une condition comme
« Oui, si tu me masses les épaules avant. » Pourquoi la même
scène contre une compensation monétaire serait criminelle ? »
Un besoin d’affection au tribunal moral
Ils sont dentistes, plombiers, consultants en aéronautique,
marins, caissiers à l’épicerie, professeur de littérature à
McGill. Ils sont criminalisés parce qu’on suppose, par une
logique perverse, qu’avoir recours à des services sexuels qui
ne sont pas gratuits est automatiquement de l’exploitation. «
Le besoin d’affection n’est pas inventé. Tu veux du sexe?
Trouve-toi une blonde ou un chum pis c'est tout! T'es pas
beau, tu ne pognes pas, t'es trop insécure et incapable de
séduire... ben sèche! », se désole Quentin. « Y'a toute une
attitude à changer qui nous apprend à la base que le sexe en
dehors d'un couple, c'est mal. Un couple amoureux baise cinq
fois par semaine! Ah! C'est un couple passionné! Un gars va
aux danseuses deux fois par mois, dépense $200 par mois pour
un service sexuel.. .y'a une déviance, des penchants malsains,
douteux. C'est un sale! »
J’ai eu un client qui me dessinait. J’ai encore ces dessins, à
la mine, de mon visage et de mes cheveux, qui cachent,
pudiquement, mes seins. Un client qui produisait des émissions
pour enfants et qui portait des foulards colorés. Un client
qui critiquait sa blonde et un client qui s’ennuyait de son ex
blonde, qui portait le même modèle de petites culottes que
moi. Je n’ai pas trouvé agréable tous les clients. Je ne leur
souhaite pas à tous de joyeux anniversaires sur Facebook. Je
ne m’ennuie pas de toutes les queues et des draps à laver,
plier, déplier, sur lesquels je m’étendais, en attendant les
clients, quand j’étais escorte, mais aucun d’eux ne méritent
d’être criminalisé au nom d’une moralité qui rend impossible
l’autonomie financière et le sentiment de dignité et de
confiance des travailleuses du sexe.
Mélodie Nelson
http://www.journaldemontreal.com/2017/11/30/les-clients-de-travailleuses-du-sexe--des-criminels-juste-parce-quils-ne-demandent-pas-du-sexe-gratuit
J'espère que Mélodie ne nous en voudra pas d'avoir recopié ce
très bel article !
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