605 Juin 2017 - France
Longtemps, Marie a été vendeuse.
Oui, mais... dans un sex-shop. Boulot pas banal, qu’elle a
exercé le soir, en sortant de ses journées d’étudiante en
histoire de l’art. Marie a postulé dans cette boutique de
Pigalle d’abord pour raisons financières. Et puis aussi un peu
par curiosité. Car l’exploration des rayonnages et de la faune
qui y sévit relève presque de la sociologie. Habitués, clients
surprenants, célébrités, anciens collègues... La jeune femme a
tiré de cette double vie un livre, Et ça, ça se met où ?
mémoires d’une vendeuse de sex-shop, qui est sorti le 11 mai.
Marie parle, d’abord, des clients. Fascinants. Ils ont tous
les âges, viennent de tous horizons.
Il y a, d'abord, celle des "courageux mais pas téméraires.
Elle se souvient ainsi de cette femme qui tournait en rond
dans le rayon DVD. "Alors que je me dirige vers elle, elle
semble paniquée et se justifie immédiatement : 'C’est pas pour
moi, c’est pour la belle-sœur de ma voisine !'"
Il y a aussi les menteurs récurrents, grillés surtout quand
ils sont des réguliers. Comme cet acteur français, à qui Marie
vend à plusieurs reprises du matériel BDSM (bondage,
discipline, Sado-masochisme). "A chaque fois, il me ressort
perpétuellement le même bobard : 'C’est pour un tournage'".
Sauf que Marie adore le cinéma. Et quand elle lui demande des
détails sur ce nouveau film si stimulant, "il bafouille,
bégaie et change de sujet.
Il y a encore les clients qui nient l’évidence. "Cette
catégorie est presque uniquement peuplée d’hommes,
généralement intéressés par le plaisir anal, mais soucieux
d’affirmer leur virilité à la personne qui les conseille. Elle
s’approche comme ça, un jour, d’un client plongé dans le rayon
des stimulateurs prostatiques. "Je lui propose des
renseignements sur l’article qu’il a choisi et qu’il
s’empresse de ranger à sa place en disant 'Non, non, je ne
suis pas un pédé'. "La vendeuse "tente de lui faire comprendre
que l’orientation sexuelle n’a rien à voir avec les désirs de
chacun", mais l'homme opine vaguement, change de rayon. Il va
plus loin acheter quelques babioles, dans un autre coin,
histoire de faire un peu diversion. Car il retourne rapidement
vers le rayon dédié aux godes et détale comme un lièvre vers
la caisse"
Dans son livre, elle empile ainsi toutes ces petites histoires
de clients, croustillantes, marrantes, confondantes. Comme ce
client qui se dandine dans le magasin, cherchant quelqu’un du
regard. Et finit par se rabattre sur Marie. "Il vient se
plaindre d’un objet acheté il y a peu. Il s’agit de la
dernière acquisition du magasin : les plugs en bois. Il
s'embrouille avant de résumer son problème de façon triviale
:"Je crois que j’ai des échardes dans le cul '"
Il y a même les bobos, qui après les cours de yoga, les
supermarchés bio, investissent les sex-shops. "Ils traînent
dans les rayons et ouvrent les boites de produits en
gloussant", dit la vendeuse. "Ils cherchent à mettre 'un peu
de piment' dans leur intimité." Marie leur présente des
jouets, mais la femme s’inquiète de l’origine des colorants et
du silicone utilisés. "Quand je lui tends du lubrifiant, la
femme s’empresse de décrypter la composition", raconte Marie.
"Elle se décompose. Je lui déniche alors un lubrifiant 'bio'.
Ses yeux pétillent." Mais la cliente demande quand même :
"Vous avez du lubrifiant issu du commerce équitable ?"
Et ça, ça se met où ? Mémoire d'une vendeuse de sex-shop",
de Marie Dampoigne, aux éditions de l'Opportun. 192 pages, 9,
90 euros. |
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