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"La vie sur Terre étant statiquement impossible, peut-être sommes-nous au pays des merveilles ?

Les conditions de l'apparition de la vie sur Terre
(prélude à l'exobiologie)

Page mise à jour le 21/12/2016

Toute supputation exobiologique doit en préalable tenter d'examiner les conditions d'apparition de la vie (du moins ce que nous en savons) sur Terre (puisque nous n'avons qu'un seul modèle)


Les conditions de l'apparition de la vie sur Terre


La Terre a-t-elle bénéficié de conditions exceptionnelles qui ont permis l'apparition de la vie et qui ont facilité son développement ? C'est presque devenu un lieu commun et un certain nombre de spécialistes ou de non spécialistes l'affirment haut et fort.

Nous allons passer en revue les principaux arguments de ce qu'on appelle parfois la
théorie de la terre rare :

Commençons, uniquement par soucis d'exhaustivité à balayer quelques bêtises qui eux émanent de véritables non-spécialistes
(si on peut se permettre ce genre d'appellation)

- il faut de l'oxygène dans l'atmosphère : ben non pas du tout, et la terre primitive n'en contenait pas. La vie s'est créée dans l'eau, puis les premiers organismes pluricellulaires ont développé la photosynthèse, autrement dit, elles ont synthétisées l'oxyde de carbone et rejetées l'oxygène. C'est la vie qui a créé l'oxygène atmosphérique et non le contraire.

-
La couche d'ozone : l'ozone est de l'oxygène ionisé en haute altitude. (O3 alors que l'oxygène se présente sous la forme O2). La couche d'ozone (qui filtre les rayons ultra-violets) a commencé à se former en même temps que l'oxygène.

-
La présence de la Lune, de part le phénomène de marée a permis à la vie de sortir de l'eau : Oui, mais, il n'y aurait pas eu la lune, les marées existeraient tout de même grâce au Soleil, certes, elles seraient moins importantes, mais elles seraient bien là.

Passons maintenant à des choses plus sérieuses :

La présence d'eau liquide : oui, dans l'état actuel de nos connaissances, cet élément paraît incontestablement indispensable.

Etre dans la zone "habitable" du système solaire : en simplifiant on va dire que pour être habitable, la zone en question doit permettre la présence d'eau liquide, donc c'est redondant avec ce qui précède.

La présence dans le système solaire d'une énorme géante gazeuse (Jupiter) servant de piège à météorites et limitant par là, les impacts terriens et donc les extinctions de masses :  Comme dans cette affirmation rien n'est mesurable on peut toujours gloser. Mais l'argument est facilement retournable : si la ceinture d'astéroïdes existe, c'est bien parce que l'influence gravitationnelle de Jupiter a empêché l'accrétion des objets gravitant dans cette région. Mais reste la ceinture de Kuiper...

La présence d'un champ magnétique protégeant des rayons cosmiques : D'accord, mais ça n'a rien d'une rareté, des huit planètes du système solaire, seul Vénus et Mars en sont aujourd'hui dépourvues. Ganymède en a un, Vesta sans doute aussi.

La présence d'une tectonique des plaques qui aurait assuré l'apparition de la vie, le recyclage des carbonates et la biodiversité des espèces :
Ces trois éléments n'ont rien à voir les uns avec les autres et doivent être évoqués séparément :
Notons en préalable que la tectonique des plaques est d'abord le phénomène responsable de la plupart des grandes extinctions de masses que la Terre a connu, avec notamment des périodes d'activités volcaniques incessantes qui ont littéralement empoisonné l'atmosphère pendant des périodes considérables.


Crabes blancs et moules dans un Cold seep
au large des côtes du Pakistan (2007)

L'apparition de la vie : en 1977, la communauté biologique subit un véritable choc culturel quand on découvrit auprès des fumeurs noirs (dégagement de vapeur d'eau accompagnée de souffre et d'autres minéraux près des dorsales océaniques) toute une faune très variée dans sa complexité et se passant très bien de la photosynthèse. Certains ont supputé que ces créatures extrêmophiles, pouvaient constituer le premier chemin de la vie organisée sur Terre.  Mais, en 1981 on découvrait les cold seep (lac sous-marins d'hydrocarbures) peuplés d'une faune analogue (en nombre et en diversité), mais dont la formation ne semble rien devoir à la tectonique des plaques.
Le recyclage des carbonates :
La présence de gaz carbonique dans l'atmosphère joue un rôle dans l'effet de serre (phénomène de conservation du rayonnement infrarouge). Trop d'effet de serre et on se retrouve sur Venus avec ses 400° à la surface. Pas assez ou pas du tout et les températures deviennent négatives. Or le gaz carbonique est utilisé par la matière vivante qui le recycle dans son organisme et persiste dans ses fossiles (formations de roches sédimentaires). Il faut donc que quelque chose renouvelle le gaz carbonique. C'est la qu'intervient la tectonique des plaques. Dans les conditions de hautes températures et de fortes pressions créées par la tectonique, le carbure de calcium sédimentaire (la craie) va s'associer à la silice et synthétiser du gaz carbonique qui sera ensuite rejeté par les volcans.
la biodiversité des espèces :
tout dépend de ce que font les plaques, si deux plaques séparées se rejoignent, les espèces de la plaque A (que ce soit faune ou flore) vont entrer en concurrence avec les espèces similaires de la plaque B, et en règle générale une seule survivra. En revanche si une plaque se sépare en deux, les espèces vont évoluer différemment sur chacune des nouvelles plaques. Donc l'argument n'en est pas un.
*Signalons que parmi les gros objets telluriques du système solaire, Venus n'a pas d'activité tectonique mais Mars en a possédé une, et il est possible qu'il en existe une sur Titan et sur Encelade.

La présence de la Lune servant de stabilisateur à l'axe de rotation terrestre : Sans la Lune, l'axe aurait été chaotique : horreur, malheur ! Voyons ça de plus près : Déjà cette instabilité n'est perceptible qu'en échelle de temps géologique, on ne se retrouve pas à l'équateur le samedi et au pôle le dimanche. La vie aurait sans doute évolué vers des formes adaptées à la situation : par régulation thermique, par migration ou que sais-je encore : le vivant a maintes fois prouvé son étonnante faculté d'adaptation !

Donc finalement à part l'eau liquide... et éventuellement la tectonique...

En fait, quand on liste de façon critique, ces fameuses conditions exceptionnelles, on est en droit de se dire que ce qualificatif est pour le moins exagéré, si certaines ont très probablement favorisées le(s) processus liés à l'apparition de la vie, les déclarer toutes rarissimes n'est pas exact, les déclarer toutes indispensables c'est aller bien vite en besogne.
Quant au raccourci que s'empressent de prendre certains et qui s'énonce en gros comme suit :
si la vie sur Terre est apparue en raison de conditions exceptionnelles, les chances de reproduire tout cela à l'exact sont sans doute bien minces et donc celles que la vie se soit développée ailleurs le sont aussi... Si ce n'est pas du sophisme, c'est quoi ?
On n'extrapole pas une situation à partir d'un seul échantillon, et puis en admettant que toutes les conditions énumérées aient été indispensables à l'apparition
(et au développement) de la vie (et nous avons vu que nous ne sommes sans doute pas dans cet exact cas de figure), d'autres conditions éventuellement plus favorables peuvent très bien exister ailleurs.
En résumé, nous ne connaissons aujourd'hui qu'une seule planète qui a vu naître la vie, nous ignorons si cette vie s'est développé à partir d'une souche unique, ou si elle est apparue plusieurs fois, dans des contextes différents.
En 1979, une certitude biologique s'est cependant effondrée, celle qui énonçait qu'une vie complexe ne pouvait se développer sans photosynthèse. On a alors beaucoup disserté sur la fantastique capacité de mutation du vivant lui permettant de s'adapter à des environnements considérées précédemment comme hostiles
(obscurité, chaleur, pression, acidité...). Mais qui nous prouve qu'il y a eu mutation dans ce sens ? Peut-être sommes nous dans un cas de figure inverse : celui ou la vie aurait commencé à se développer dans des milieux extrêmophiles pour muter vers des formes de vie que nous considérions il n'y a pas si longtemps comme "standards". Il est également possible que le foyer de vie qui a donné naissance à ces espèces pratiquant la chimiosynthèse soit différent de celui qui a abouti à la photosynthèse.

Le calcul de probabilité

La probabilité de l'apparition de la vie sur Terre est nulle. Franck Crick, prix Nobel de Biologie établit le constat suivant :
- Une cellule vivante est composée de 23 acides aminés formant une chaîne compacte.
- La fonction de chacun de ces acides aminés dépend, à son tour, d'environ 2000 enzymes spécifiques.
- On peut donc calculer que la probabilité pour qu'un millier d'enzymes différentes se rapprochent de manière ordonnée jusqu'à former une cellule vivante
(au cours d'une évolution de plusieurs milliards d'années) est de l'ordre de 10 puissance 1000 contre un.
- Autant dire que cette chance est nulle.

- Pourtant on est là !

Fred Hoyle dit à peu près la même chose :
Les premières cellules vivantes sont apparues sur Terre, environ 500 millions d'années après que les conditions d'apparitions de la vie soient réunies. Ce délai est trop court pour que le seul hasard produise la première protéine ordonnée. Hoyle calcula que pour obtenir une seule protéine contenant 100 acides aminés il faudrait 1350 milliards d'années… Si on ajoute qu'une cellule vivante contient environ deux cent mille protéines différentes... dont deux cent enzymes…. Les chiffres deviennent vertigineux
(et ne veulent plus rien dire)

Crick se mit ensuite à délirer expliquant que la vie sur Terre avait été ensemencé volontairement par des extra terrestres menacés d'extinction et qui incapables d'assurer leur propres survie avait voulu au moins perpétuer la vie… Par contre il oublie d'expliquer comment les extraterrestres en question ont bravé le hasard en existant eux bel et bien… Passons… Hoyle est plus sérieux et s'il conclut que la vie n'est pas née sur Terre mais dans l'espace, il ne fait que repousser le problème ce qu'il reconnaît bien volontiers.

Je me souviens aussi qu'un jour à la télé, le dénommé BHL
(qui n'y connaît rien) nous sortit doctement que la chance de développer la vie était la même que celle de voir un chimpanzé nous saisir au clavier les œuvres complètes de Shakespeare en mettant ses doigts au hasard… Pourtant on est là

Pourquoi ?

Il y a en fait quatre grands groupes d'explications, deux de ceux-ci étant sans doute mauvaises, une troisième ne faisant que reculer le problème :

1. l'explication surnaturelle : Passons, une croyance ne se discute pas et ce n'est de toute façon pas le lieu (même si on ne peut s'empêcher de penser que Monsieur Surnaturel, il aurait pu faire plus simple)

2. L'argument du tirage : cet argument est souvent développé par certains. On fait l'analogie avec un tirage de tombola et on en conclue qu'on est les joyeux vainqueurs… ce qui permet de préciser dans la foulée que les vainqueurs en question ne sont pas nombreux et peut-être même réduit à une simple unité. Nous allons voir que cet argument est farfelu.
Cas 1 : Le protocole de tirage : On prend les 6 milliards d'individus vivant sur Terre, on met leur nom dans un chapeau (un grand chapeau !) et on en tire un. Il a gagné ! Bravo. On ne va pas se dégonfler on va continuer l'expérience et on va mettre dans le chapeau les 1600 milliards de mammifères… On en tire un, il a gagné… Et on peut continuer en ajoutant les poissons, les oiseaux et tout ce que vous voudrez. Même avec un milliard de milliard on aura toujours un gagnant ! Et pourquoi on a un gagnant parce que c'est prédéfini au départ. Le protocole dit il y aura Un gagnant choisi dans un échantillon de tant d'individus. Et on peu même aller plus loin, le protocole de tirage étant ce qu'il est , la chance de trouver un gagnant sera de 100 %, toujours de 100 %.
Cas 2 : La probabilité sans protocole : La vie sur Terre n'est en aucun cas assimilable à un "tirage", on ne connaît aucun des 2 paramètres obligatoires :  ni le nombre de gagnants (sauf à dire qu'il est au moins égale à 1), ni le nombre de participants. Nous ne sommes donc pas dans ce cas de figure.

3. L'explication cosmique : La vie ne serait pas née sur Terre, mais aurait été apporté par contact cosmique (comètes, nuages galactiques… voire extraterrestres). Autrement dit on ne résout pas le problème, on le repousse !

4. L'auto organisation de la matière vers le vivant : En statistiques (on ne parle plus ici de tirage), lorsque le niveau de probabilité d'un événement devient semblable à ceux énoncés par Franck Crick et Fred Hoyle, on peut dire qu'il ne se produira pas1. Corollairement, si l'événement s'est produit c'est sans doute parce que le calcul de probabilité contient une erreur. Laisser au seul hasard l'assemblage des briques du vivant n'est sans doute pas la bonne piste, aussi peut-on supposer que la matière tend à s'auto-organiser vers le vivant selon un processus qui pour l'instant nous échappe complètement.


Notes :
1) Pour Jacques Monod et Steven Weinberg une probabilité nulle n'interdit pas une occurrence, improbable certes, mais pas impossible