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Une gorgé de Pisco sur la carie et le mal est parti (le mystère des profondeurs)

Les aventures d'Adèle Blanc-Sec
dessins et scénarios de Jacques Tardi

Page mise à jour le 17/10/2022

Je crois que Jacques Tardi ne me démentira pas, Adèle Blanc-Sec n' a jamais été sa préoccupation principale. L'œuvre de cet impressionnant dessinateur a d'abord été une dénonciation sans concession de l'horreur que fut la première guerre mondiale, l'autre : l'ambiance des quartiers populaires de Paris et à ce titre l'illustration qu'il a fait des œuvres de Léo Mallet reste exemplaire. Ceci explique sans doute les errements de cette série, dans laquelle il fit mourir son héroïne, et où il l'abandonna deux fois de suite pendant 9 ans... Alors qu'est ce qui fait qu'on reste attaché à cette série dont certains épisodes sont, il faut bien l'admettre, ratés, qui met en scène une héroïne dont le regard sur son époque est complètement décalée ? Ben, difficile à dire, à moins que ce ne soit tout simplement le charme de la bande dessinée... (voir aussi la conclusion)

1 - Adèle et la Bête (1976) 

Un médium lyonnais provoque la panique dans tout Paris en faisant éclore un œuf de ptérodactyle. On fait pour la première fois connaissance avec Adèle Blanc-Sec sans bien comprendre ni ses motivations, ni ses fréquentations (elle enlève une jeune femme qu'elle enferme dans une malle à l'aide de deux complices afin qu'elle serve de monnaie d'échange à un mystérieux marché). Il y a une pléthore de personnages secondaires, à ce point qu'on s'y perd ("Quelle salade !" finira par admettre Adèle page 46). On finit par tuer le monstre mais le voilà qui réapparaît et on essaie de comprendre un peu le vrai fil de l'histoire, en fait on comprend le principal, mais il y a beaucoup de confusion. Il est question d'une machine secrète, d'un magot piqué chez un banquier... Qui est qui ? Qui cherche qui ? On est dans un bal masqué... L'histoire est très personnelle, la cohésion n'est pas toujours évidente, le dessin est magique reprenant de veilles cartes postales de Paris, l'ambiance glauque, Adèle est belle et le plus surprenant c'est qu'on a une folle envie de lire la suite !

2 - Le Démon de la tour Eiffel (1976) 

Certes Tardi résumera les deux premiers volumes dans la bouche d'un protagonistes (page 34) "Drôle d'histoire, même pas bonne à faire un mauvais roman, trop compliqué, on n'y comprendrait rien". L'histoire est cependant un peu moins complexe que la première, la recherche d'une statuette faisant partie d'un lot volé chez un banquier conduit Adèle chez les adeptes d'une secte, les adorateurs de Pazuzu. On y découvre un commissaire ripoux, un flic intègre mais mal payé de ses efforts et tout un tas de gens bizarres. Les décors sont très beaux surtout ceux de la scène centrale dans les piles du Pont Neuf. Ça se lit très bien.

3 - Le Savant fou (1977)

Robert Esperandieu, l'assistant du médium lyonnais, parvient à faire revenir à la vie un pithécanthrope, mais rien ne se passe comme prévu et certains personnages des deux volumes précédents vont réapparaître. C'est plus linéaire que les précédents et aussi plus dessiné "en action". De très bonnes scènes, Adèle se fait assommer un nombre incroyable de fois et comme le lui dit Clara Benhardt (page 46) : "un jour tu sera morte Adèle" !

4 - Momies en Folie (1978) 

L'argument est simpliste, il s'agit d'un savant qui connaît une méthode pour faire revenir à la vie des momies... A partir de là tout s'enchaîne et la momie de collection d'Adèle s'échappe de sa vitrine.... L'album n'est pas très bon, la volonté de Tardi de nous amener vers des fausses pistes, tourne parfois au grotesque (les accidents devant les gares et... on va jusqu'à couler le Titanic pour éliminer Adèle). La fin de l'album est une tuerie générale où plusieurs personnages récurrents perdent la vie. Mais Adèle meurt aussi. Son cadavre est ensuite enlevé et conservé en hibernation... On ne sait jamais, ça peut-être pratique pour la ressusciter dans un prochain album... mais on sent nettement que Tardi n'y croit plus.

Les éditions Casterman font alors (re)paraître en 1979  "Adieu Brindavoine" suivi de "La Fleur au Fusil", comme s'il s'agissait d'un album de la série. En attendant de savoir comment il va faire pour ressusciter Adèle, On comprend alors que Tardi souhaite intégrer le personnage de Lucien Brindavoine aux éventuelles futures aventures d'Adèle Blanc-Sec

5 - Le Secret de la Salamandre (1981)


Ça ne s'arrange pas, ce n'est pas une aventure d'Adèle Blanc Sec, c'est une aventure de Lucien Brindavoine.. et Adèle ne réapparaîtra qu'à l'avant dernière page. C'est poussif, bavard, et ceux qui n'ont pas lu le hors-série précédent sont encore plus largués que les autres.

6 - Le Noyé à deux Têtes (1985)

Le début est intrigant, puis on devient vite largué, ça cause beaucoup, de nombreuses questions ne sont pas résolues, certaines planches font carrément remplissage (le cirque). Adèle Blanc-Sec est magnifiquement dessinée dans sa salle de bain, mais attifée n'importe comment quand elle est dehors. On se dit que décidemment la série a du mal à se remettre en route... Et, on va patienter... 9 ans !

7 - Tous des Monstres (1994)

Que de monde ? On a parfois du mal à savoir qui est qui, d'autant que ça se déplace en groupe et parfois déguisé. Malgré son côté bavard et une intrigue toujours aussi compliqué (du moins dans ses détails), on retrouve l'esprit de premiers albums. A remarquer qu'en dernière page, Tardi par la bouche d'un des protagonistes se demande carrément s'il faut "arrêter cette bande dessinée". Quand à Adèle, à mon avis moins bien dessinée que dans les premières aventures, elle est de plus en plus spectatrice et de moins en moins actrice.

8 - Le Mystère des Profondeurs (1998) 

C'est toujours aussi bavard, mais plus clair. Un dentiste sorti du bagne cherche à se venger du commissaire, tandis qu'un mystérieux joueur de flûte traversière charme des limules... et Adèle Blanc-Sec retrouve sa sœur. Agréable à lire (nonobstant le discours zozotant du dénommée Fluet). Le meilleur album de la série depuis fort longtemps...  Mais, pour la seconde fois de la série on encore va patienter... 9 ans !

9 - Le Labyrinthe infernal (2007) 

Tardi s'est-il vraiment posé la question de
savoir si toutes les références aux albums antérieurs resteraient explicites pour le lecteur après 9 ans d'abandon ? Mais bon, ça peut se lire quand même, le problème c'est qu'on ne sait pas trop où ça va (mais comme le dit Adèle page 33, "ce n'est qu'un feuilleton, après tout..."), rien n'est élucidé puisqu'on nous annonce une suite (espérons qu'elle sortira un jour !). Une petite surprise bien agréable, on voit les seins d'Adèle pour le première fois !  On se console comme on peut.

10 - Le bébé des Buttes-Chaumont (2022)
Il nous aura fait attendre 15 ans ! 15 ans pour accoucher d'un album décevant, nous racontant une histoire aussi incompréhensible qu'inintéressante à ce point que qu'on se dit à un moment qu'on ne voit pas pourquoi on devrait s'infliger ce ratage jusqu'au bout ! L'album se réfère sans cesse aux opus antérieurs, Tardi croit-il vraiment que l'on s'en souvient après tout ce temps ? Même le trait sent la fatigue ! La seule chose que j'ai apprécié, ce sont les vues parisiennes en arrière-plan toujours aussi sympathique, mais c'est bien tout. Adèle Blanc-sec méritait une meilleure fin… 15 euros de gâchés !..

Critique globale et provisoire de la série

Adèle n'est pas une grande bande dessinée, trop d'albums sont ratés, il manque à la série le sens du découpage (il n'est que comparer avec l'Affaire Tournesol ou avec SOS Météores pour se rendre à l'évidence) et la confusion, voire une certaine désinvolture y règne en maître. De plus Tardi n'est pas un très bon scénariste.
La série est néanmoins attachante à trois titres : l'évocation du Paris des années 1910,  la personnalité très particulière de l'héroïne, et un style de dessin aussi personnel qu'expressif.
(1)

N.B. : (1) ça nous change de cette invasion de BD plates à la réalisation "économique" (personnages figés, décors minimalistes) genre Largo Winch, Jessica Blandy, XIII, Aldéraban et consorts.

Au cinéma !

Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec

Un film de Luc Besson (2010) : Quelle bonne surprise ! J'avais envie de le voir, mais je me méfiais. Parce que Besson est capable du meilleur comme du pire, parce que Besson, c'est Besson, parce que la promo me semblait lourdingue, parce que surtout la critique "non complaisante" était plutôt réservée. (1)
Qu'allais-je voir ? Du mauvais ? Du moyen ?
Or le film sans être parfait, est très bon, on ne s'y ennuie pas une seconde, Louise Bourgoin est très bien, les décors sont superbes, il n'y a pas de temps mort, le ton est enjoué. Le résultat est un produit original, une sorte d'Indiana Jones revisité par Amélie Poulain (double compliment).
Et que l'on ne nous dise pas que la BD de Jacques Tardii(2)  est trahie, le film est mieux que la BD, (laquelle, quoique attachante, est loin d'être un sommet du 9ème art).
Alors on peut toujours ergoter, dire que certaines répliques sont peu compréhensibles, que la fin est un peu cul-cul, mais ce film reste un bon spectacle et le meilleur Besson depuis le "cinquième élément".
N.B. : (1) on se demande d'ailleurs si certains critiques ont vraiment vu le film ou s'ils se sont contentés d'extraits, il est par exemple hallucinant de lire sous leurs plumes, "qu'il est regrettable que Mathieu Amalric meurt si vite " (alors qu'il reste vivant jusqu'à la fin du film)
(2) Combien de critiques ont réellement lu toutes les aventures d'Adèle Blanc-Sec ? Il faut 3/4 d'heures pour lire un de ses albums, et il y en a 10 ! En fait, la plupart d'entre eux n'ont rien lu du tout et jouent au perroquet. D'ailleurs, Tardi qui est quand même le mieux placé pour juger ce genre de choses a trouvé le film très bien. !


Etoiles très suggestives :
excellent
Très bon
assez bon
bof...
mauvais
nul