On est collectionneur ou on ne l'est pas ! Quoiqu'il en soit et quel que soit le temps que ça a duré, qui n'a jamais collectionné les timbre-poste ?
C'est le début d'une aventure passionnante ! On demande des timbres à tout le monde, on en achète un peu, on s'en fait offrir, et puis vient le temps du classement, on sépare tout cela par pays, on enrichit sa géographie, on se passionne pour ces petits machins très colorés et souvent très bien réalisés. Bref l'extase !
Au deuxième stade on se fait offrir un petit peu de matériel, le classeur, la pince, la loupe et même le catalogue... Et on y va ! On trie. On classe, on est devenu un pro, le décollage et le séchage n'ont plus aucun secret, le bonheur quoi !
Et un jour on va montrer sa collection à Lulu, mais attention, il s'agit d'être à la hauteur, Lulu a commencé avant vous, il faut faire bonne figure. Lulu regarde, vous guettez ces observations, il ne dit rien Lulu, il feuillette, et soudain la sentence tombe :
- Celui là, tu peux le foutre en l'air ce n'est pas un timbre !
- Pas un timbre, c'est quoi alors ? Un dinosaure à pattes ?
- Il manque une dent, ce n'est plus un timbre !
- Mais putain, il est vachement beau !
- Ce n'est plus un timbre, ça ne se collectionne pas !
Le ton est tranchant, sec, catégorique, il n'y a même pas à discuter...
A ce moment-là va se passer une chose :
Ou bien vous allez envoyer Lulu au diable avec ses principes idiots (qui à dit cela ? Et pourquoi devrais-je être d'accord ?) Et vous prendrez la décision de ne collectionner que pour vous, ignorant des règles qui vous ont étrangères
Ou bien vous allez, la rage au cœur, déchirez en mille morceaux le très joli timbre auquel il manque une dent. Le sacrifice est énorme, vous l'aimiez bien ce timbre, mais au moins ce geste vous aura permis d'intégrer la communauté des philatélistes qui savent eux ce qu'est un timbre.
On est arrivé au troisième stade, où le plaisir de collectionner existe encore, mais vous n'êtes plus seul, vous devenez membre de la tribu et vous en acceptez les règles !
Si vous continuez votre collection, vous aller au devant de règles encore plus insolites :
La vraie collection, c'est les timbres neufs : autrement dit : on ne collectionne plus l'objet qui a servi, qui a circulé, qui a une histoire, mais celui qui n'en a pas !
Que faisait les collectionneurs il y a encore une quarantaine d'année ? Certains plaçaient leurs timbres dans des classeurs à bandes, mais ils étaient vite envahis par le volume de ces derniers. Non le fin du fin est de collectionner sur des pages où l'emplacement du timbre est déjà prêt,...
...Et on le met comment le timbre, avec un machin qui s'appelle une charnière, un coté collé sur le timbre et un coté sur l'album. Très chic !
Jusqu'au jour où les règles ont subitement changé ! Un timbre doit maintenant non seulement être neuf, mais ne pas avoir de trace de charnière...
Et du jour au lendemain, la collection de grand papa devient invendable !
- Ça ne fait rien, il avait aussi des timbres tellement vieux qu'en trouver des neufs est impossible, ceux-là sont vendables ! N'est ce pas Monsieur le marchand de timbres ?
- Hélas ! Hélas ! Ça ne m'intéresse pas ! Si seulement vous les aviez, ces timbres, sur les lettres d'origines !
Quant à vendre une collection de premier niveau des timbres du monde : on va vous les reprendre pratiquement au kilo, sans tenir compte des cotes, "ça n'intéresse plus personne, certains sont abîmés, certains ont des oblitérations disgracieuses"...

Finalement ce sera toujours invendable parce que ce sont les marchands qui fixent les règles (ils dormaient où, d'après vous, les stocks de vieux timbres neufs sans traces de charnières ?)

Un stade grave est atteint quand on se met à acheter des trucs qui n'ont aucune utilité sinon que de pouvoir être vendu aux collectionneurs (les enveloppes premiers-jours, les blocs-feuillets, les "documents" philatéliques...)

Et attention, on ne rigole pas, je me suis fait traiter d'imbécile deux fois dans la même brocante :
Une fois parce que je m'amusais à proposer le plus sérieusement du monde des enveloppes deuxième jour que je m'étais amusé à confectionner par dérision (je les ai toujours - si quelqu'un est intéressé, il peut me faire un e-mail !)
Une autre fois, parce qu'excédé qu'un acheteur potentiel retourne systématiquement mes timbres à la recherche d'une éventuelle trace de charnière, je lui lançais "Mais dites-moi, ce sont les versos des timbres que vous collectionnez ?"
Ce qui est ahurissant c'est que les collectionneurs gobent ! Pas une seule voix discordante n'arrive à s'exprimer : Vous en connaissez, vous, des dissidents philatélistes ? (C'est pire qu'en Chine !). Tout est aux mains des marchands, catalogues, presse spécialisée, manifestions...

Un philatéliste est un collectionneur asservi
Voilà qui est dit !
Jusqu'à preuve du contraire !