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Les jargonautes

Page mise à jour le 24/03/2012


Il est de bon ton de s'en prendre aux jargons (au pluriel) car ils sont plusieurs. Ce doit être un habitude de dénigrer systématiquement tout ce que l'on ne comprend pas ! Je dis bien systématiquement car comme en toute chose il convient de faire la part des choses. :
Bien que le raisonnement par comparaison soit un exercice périlleux, il est cependant plaisant de recourir au parallèle avec la boite à outils.

Tout le monde possède une boite à outils avec "les outils de bases" ceux qui permettent la petite réparation ou le petit bricolage qu'on peut faire soi-même.

L'électricien, lui aura une boite à outils avec en plus des outils propre à sa spécialisation, de même que le plombier, le maçon, le carreleur ou tout ce que vous voudrez.

On peut aussi monter plus loin dans les spécialisations, les outils du technicien en électricité courant faible ne seront pas les même que ceux du technicien en courant fort, ni ceux du spécialiste en électricité automobile …

Jusque-là tout va bien.

Il arrive de plus en plus qu'un simple bricoleur veuille travailler comme un professionnel ! Après tout pourquoi pas ? De ces gens tout le monde en connait, c'est peut-être même vous et ça a parfois été moi !

On achète donc des outils de professionnels et on se met au boulot ! Dans la plupart des cas, le résultat sera tout juste "moyen" ! Et pour une bonne raison, pour faire un bon travail, avoir le bon outil, ne suffit pas, il faut aussi apprendre le métier. Et un travail de bricoleur aussi doué de ses mains qu'il soit sera toujours un travail de bricoleur.

Quel rapport avec le jargon ! Le jargon c'est la boite à outil vocale du technicien

En plus de notre langage courant, celui que nous employons avec la famille, les amis…nous avons tous un langage professionnel, parfois aussi des langages extraprofessionnels (employés dans les associations, les clubs sportifs etc.)

Par exemple dans mon travail, j'ai consulté la liste TR14, j'ai demandé à ma collègue un CA245 pour annoter les types "B", et comme j'ai décelé un type "C" j'ai fait un reporting à la DCR qui effectuera peut-être une compliance.

Quelle salade !

N'empêche que ce charabia dont l'exemple cité n'est qu'un petit extrait est commun à toute l'équipe de travail, que tout le monde comprend. Ce n'est du jargon professionnel et ce n'est pas autre chose.

Le soir en rencontrant des amis si je leur parle de mon travail, je vais employer de tout autres termes.

Le jargon doit rester limité à sa sphère d'utilisation !

Alors évidement il y a deux cas où ça dérape :

1er cas : La personne extériorise le jargon vers un non-initié : on pourra porter tous les jugements de valeur qu'on voudra sur une telle attitude, mais la question n'est pas là, et seul le résultat compte : Or le résultat ne peut être qu'un déficit de communication !

2ème cas : Un personne non impliqué dans le jargon emploi ce qu'elle croit connaitre de ce jargon envers des gens qui eux le connaissent. (Ça se complique)

Exemple raconté par mon docteur : Un patient lui téléphone pour son enfant et lui dit qu'il a un bronchospasme ! Le patient croyait en toute bonne foi que ce mot était un synonyme savant de "toux". Autrement dit on se retrouve dans la situation du bricoleur qui veut se mettre au niveau du professionnel (il croit pouvoir se mettre sur un pied d'égalité parce qu'il a les bons outils (ici le langage) alors qu'il ne sait pas les utiliser (et que ce n'est pas son métier)

Donc voilà !

Le jargon vu de l'extérieur peut provoquer de l'amusement, voire de l'agacement, mais ce n'est jamais qu'un outil de travail.

Certains se plaignent qu'on "anglosaxonise" à outrance ces nouveaux jargons ! Peut-être, sans doute, mais à y réfléchir, pourquoi s'embarrasser d'inventer des mots lorsque le lexique existe déjà dans une autre langue ? Ce sont les Italiens qui les premiers ont codé la musique comme elle l'est encore aujourd'hui (les allegro, les molto modérato, mais aussi le piano, l'alto, la soprano…) Quand les français s'y sont mis à leur tour, qu'ont-ils fait ? Ils ont bien repris à l'exacte les expressions italiennes, et aucun puriste ne s'est élevé pour protester.

Alors si ceux qui jargonnent en dehors du milieu où il est employé et compris sont des cuistres, il n'en reste pas moins que le jargon, limité à sa stricte fonction, celui d'être un moyen de communication entre ceux qui en ont besoin, ne devrait déranger personne et il n'y a aucun risque qu'il fasse du mal à la langue française.