Tu périras par la lumière
Petite nouvelle de SF, légérement érorique
Page mise à jour le 11/06/2016



Tu périras par la lumière
par Estonius

 

 Observatoire de Paris-Meudon, le 5 Août à 15 h 24

Les trois scientifiques sont graves, très graves, et on le serait à moins. Ils se sont déjà concertés en fin de matinée. Chacun a refait les calculs de son côté. Demain aux alentours de 11 heures, la Terre verra s'étreindre l'espèce humaine. La Terre ne sera bientôt plus qu'un cimetière. 

Frédéric regarde Barbara ! Une dernière fois ? Elle est belle. Il n'a jamais osé la moindre approche, il est trop tard pour le regretter. Il détaille les traits réguliers de son visage. La dernière fois ? Il regarde avec insistance la courbure de son sein sous son tee-shirt jaune ! Un sein qu'il ne verrait donc jamais ! Jamais ? Puis il regarde ses bras, ses jolis bras bronzés par le soleil de l'été, des bras qu'il aurait tant aimé caresser. Des bras qu'il ne caresserait jamais. Jamais ? Frédéric se surprend à bander ! Dans de telles circonstances ? Pour la dernière fois ?

La supernova était en train de se former, astronomiquement toute proche, à moins de cinquante années lumières de la terre. Demain une clarté insoutenable envahirait l'atmosphère. Une lueur équivalente à dix fois celle du soleil. L'ensemble de la population aurait la rétine brûlée. Et puis quelques heures après, interviendrait le bombardement de rayons gamma. Les survivants mourront alors de leucémie galopante.

Peut-être, quelques crabes, quelques araignées et sans doute pas mal de bactéries survivraient probablement au cataclysme, mais plus personne ne serait là pour le raconter. A moins que quelques favorisés trouvent le moyen de s'en sortir après avoir végétés des années dans d'aléatoires abris anti-atomiques...

Frédéric prit la parole, il jeta sur la table un paquet de fax et de e-mail imprimés :

- Voici les réponses de l'union Astronomique internationale. Et j'ai à présent l'accord de tous les plus grands astronomes mondiaux, à l'exception d'une partie des américains. Il faut faire vite, le communiqué est prêt !

Ils avaient pris leur responsabilité. Et tandis que Rémy envoyait par mail une dépêche rassurante aux agences de presse, Frédéric composa le numéro du ministre de la défense.

- Je vous confirme, Monsieur le ministre que les calculs effectués par les Américains sont erronés. Le phénomène se produira trop loin de la terre pour l'affecter, même très légèrement. Un communiqué va être publié en ce sens dans les minutes qui vont venir, en France, mais aussi dans le monde entier.
- Pensez-vous qu'il faille malgré tout, en vertu du principe de précaution maintenir un plan minimum ?
- Absolument pas ! Je suis formel, il ne se passera rien du tout, il n'y aura ni bombardement, ni radiation, ni je ne sais quelle clarté. Ce ne sera pas la première fois que les scientifiques américains se seront ridiculisés !
- Ok ! Je pense pourvoir vous faire confiance, je vais faire une courte déclaration télévisée afin de dédramatiser la situation. Merci professeur !

Il raccrocha. Barbara intervint :

- J'ai un petit remord tout de même, Frédéric ! Qu'est-ce qu'on en avait à foutre finalement qu'ils déclenchent leur plan machin...
- De toutes façons, les Américains vont le faire, ça, on ne peut pas les empêcher ! Pour le reste, voir le gouvernement, les militaires, et pire les dirigeants des grands groupes économiques, les Lacordaires, les Binaut, les Pouigues, toute la farandole des fortunées se foutre au chaud dans des abris ! Ah ! Ça non ! Pourquoi ces gens mériteraient-ils de survivre plus que l'ensemble de la population ?

Ils allèrent se séparer quand le téléphone retentit. Frédéric décrocha le combiné :

- C'est Webern de l'université de Harvard, dit-il en aparté, je mets l'ampli !

Le dénommé Webern était dans une rage folle !

- Mais c'est quoi ce communiqué d'irresponsable ! Vous savez bien que nos calculs sont bons ! Pourquoi ces manigances ? C'est lâche et indigne d'un scientifique !
- C'est tout ce que vous avez à me dire ?
- Non ! Par cette attitude, vous ôtez à la population les moyens de rester lucide face à la mort. En niant l'évidence, vous l'empêcher de prier ! Et vous empêchez aussi qu'un miracle puisse se produire !
- Ecoutez Webern, il est trop tard pour disserter sur l'existence ou la non-existence de Dieu ! Mais si d'aventure il existe, et qu'il a permis ce qui va se passer dans quelques heures, je ne peux avoir de respect pour lui, et j'aurais même tendance à le combattre, mais hélas, je manque de moyen. Adieu Webern !

Il n'y avait plus rien à faire. Barbara, Remy et Frédéric se séparent alors, chacun allant gérer son désespoir comme il l'entendrait.

Celui de Barbara fut assez simple, elle se dirigea vers l'armoire à pharmacie de l'observatoire, prit ce qu'il fallait et s'enferma dans son bureau. Elle alluma la radio, elle connaissait cet air, la bande originale du film " Il était une fois dans l'ouest " par Ennio Morricone avec le petit solo d'harmonica ! Mourir au son de cette musique lui paraissait dérisoire, elle activa le tuner et tomba sur Fred Astaire ! Après l'harmonica, les claquettes.... On retrouva son corps sans vie quelques heures plus tard.

Paris - Boulevard St germain, le 6 août à 10 h 40.

Rémy sort de cette grande brasserie où il est allé siroter son sans doute dernier verre de bière. La rue est animée comme chaque fin de matinée. Il y a des haut-parleurs, ce doit être une fête de quartier ou des commerçants, il n'en sait rien, la sono gueule des imbécillités et on entend le dernier tube à la mode :

" La décalcomanie de ma nuit a trop décalé ma vie " Dérisoire ! Tout simplement dérisoire. Il s'était dégoté une paire de lunettes filtrantes, le genre de machin utilisé pour les observations solaires, mais il l'avait encore renforcée. Serait-ce suffisant ?

De toute façon, peu importe vu le temps qui lui restait. Il avait souhaité regarder la catastrophe en direct. Ça ne devrait plus tarder maintenant, alors, il chaussa ses lunettes, provoquant des regards ahuris de la part des passants.

Et puis ce fut l'éclair. Puis des cris. Tout le monde criait, tandis qu'un gigantesque bruit de tôles assourdissait l'atmosphère. Les automobiles dont tous les conducteurs avaient perdu le contrôle se rentraient dedans dans tous les sens dans un enchevêtrement gigantesque. Beaucoup périrent ainsi, il en fut de même des piétons qui avaient eu l'idée saugrenue de traverser la chaussée en plein Armageddon, et d'autres aussi pourtant restés sagement sur les trottoirs mais fauchés par les embardées folles des voitures déboulantes. Les cyclistes, motocyclistes et trotteurs de patinettes ne furent pas mieux lotis, leur pauvre tôle ne pouvant supporter de tels chocs en cascades. Des corps finissaient de s'écraser dans ce dantesque amoncellement de ferraille désormais tragique. Les piétons criaient, hurlaient, pleuraient. Les chiens hurlaient à la mort, les gens se cognaient, incapables du moindre repaire, on titubait, on se marchait dessus. La mort était à chaque pas !

Des véhicules avaient pris feu pendant la collision, l'incendie allait s'entendre. Il jeta un coup d'œil vers les fenêtres des immeubles. Ceux qui avaient été surpris hors de la rue échapperaient sans doute à l'enferaillement et à la bousculade, mais n'étaient guère mieux lotis. Déjà un début d'incendie s'y déclarait. C'était fatal. Il avait forcement au moment de l'éclair des gens en train de repasser du linge, de se faire griller du pain ou de se sécher les cheveux....

Il n'y aurait personne pour éteindre les incendies et Paris finirait sous les cendres !

Il s'approcha du métro. Les usagers sous lumière artificielle avaient été protégés de l'éclair mais les premiers à regagner la surface tombaient comme des mouches s'empêtrant dans les marches des escaliers, s'y blessant, et leurs corps enchevêtrés grotesquement finissaient par rendre la sortie impraticable. Cela donnerait un répit aux gens bloqués dans les souterrains, mais personne ne leur dirait, et pour combien de temps ? L'électricité finirait par s'y couper, provoquant un surcroît de panique, et celle-ci ne pourrait être que mortelle ! Et puis même s'ils y échappaient...

La nausée le prit ! Quelle idée avait-il eu d'aller contempler la fin du monde en direct ? Tous ces cris étaient insupportables. Il crut défaillir en découvrant un peu plus loin le spectacle atroce d'un autobus qui prenait feu, alors que ses passagers ne savaient s'en dégager.

Dans les campagnes, les choses seraient plus simples. Peut-être ? Un bruit dans le ciel. Un avion allait s'écraser quelque part dans la banlieue de la capitale. Comment voulez-vous maintenir un avion en vol avec un pilote aveugle et une tour de contrôle qui ne fonctionne plus ?

Tout ce qui ressemble à une télécommunication ne fonctionnait déjà plus cinq minutes seulement après l'éclair.

Le corps d'un homme tomba à quelques mètres de lui et s'écrasa au sol, ensanglantant le trottoir. Suicide ? Accident ? Il n'y aurait jamais d'enquête ! Des mômes s'accrochaient désespérément aux vêtements de leurs mères. Des poussettes et des landaus étaient abandonnés avec leur malheureux occupant.

C'en était trop ! Remy chercha la capsule de cyanure qu'il avait apporté, quand son regard fut attiré par la présence d'un aveugle qui avançait péniblement avec sa canne blanche répétant sans cesse :

- Mais qu'est ce qui se passe ? Mais qu'est ce qui se passe ?

L'atmosphère commençait à se charger d'oxyde de carbone, les gens toussaient et Remy sortit sa capsule de poison, c'est alors que quelqu'un le bouscula, la capsule se perdit tandis qu'il dégringolait sur le trottoir. L'individu qui l'avait heurté était accompagné d'un de ces chiens dangereux qu'il ne pouvait supporter en peinture et dont il était incapable de se souvenir le nom. Il y eut un aboiement...

De façon dérisoire, ses lunettes n'étaient pas tombées, il put ainsi, non seulement sentir le mufle du fauve, mais distinguer nettement ses crocs jusqu'à les voir s'approcher de sa veine jugulaire...

Paris - Bois de Vincennes, le 6 août à 10 h 40.

 Frédéric avait l'impression d'être dans un état pas très normal, mais on le serait à moins. Voilà une heure qu'il cherchait, ce n'était pas évident, il voulait éviter les enfants. Au moment de l'éclair leurs cris seraient effroyables, insupportables ! Non, là c'était bien ! Cette femme devait avoir une trentaine d'année, la peau très pâle, de beaux yeux bleus. Elle lisait un bouquin. Il en déchiffra le titre ! "Le rouge et le noir"

- Encore un " Le rouge et le noir " qui ne sera jamais terminé, s'amusa-t-il in petto !

Il s'assit à l'autre bout du banc, et attendit, il ne s'était pas protégé les yeux. Pourquoi faire ?

L'éclair surgit ! Malgré lui, il cria sous l'effet de la brûlure de sa rétine. La femme cria également. Ils restèrent ainsi plusieurs minutes, se tenant les yeux de douleurs et de surprise.

- Qu'est ce qui se passe ? Demanda la femme.
- L'éclair ! Les Américains avaient raison !
- Non, mais ce n'est pas vrai ! Qu'est-ce que vous m'avez fait ! C'est une bombe lacrymogène ?
- Je ne vous ai rien fait, à l'heure actuelle, 90% de la population doit être aveugle !
- Aidez-moi à aller jusqu'à l'hôpital !
- Je crois que vous ne comprenez pas !
- Vous n'allez pas refuser de m'aider tout de même ?

Frédéric s'était rapproché et lui caressait ses bras nus, elle se laissait faire.

- Essayez de comprendre, il n'y a plus d'hôpital, il n'y a plus de civilisation, il n'y a plus rien. Tout le monde est en train de mourir et nous allons y passer, nous aussi !
- C'est quoi tous ces cris ?
- Ce sont des gens comme nous qui ont été atteint par l'éclair, ceux qui étaient sur le lac vont se noyer, ils seront incapables de retrouver la berge. Les autres je n'en sais rien, j'espère simplement que le bois ne va pas prendre feu !
- Mais alors les Américains avaient raison !
- C'est ce que j'essaie de vous expliquer depuis tout à l'heure !
- J'ai mal !
- Oui, moi aussi !
- Et, on ne peut rien faire ?
- Si ! L'amour !
- Vous êtes complètement fou !
- Non ! La rédemption par l'amour ! Il n'y a que cela qui peut nous sauver ! Vous n'avez pas vu le 5ème élément ?
- Vous voulez me violer ? Vous allez tomber sur un os, ce n'est pas parce que je n'y vois plus rien que je ne saurais pas me défendre !
- Mais chère madame, ne vous méprenez pas, je ne ferais rien sans votre accord !
- Alors, c'est très bien, contentez-vous de continuer de me caresser les bras, vous faites cela très bien !

Frédéric, encouragé, continua sa caresse, au bout de quelques minutes, il osa déboutonner un bouton de son chemisier

- Comment tu t'appelles ?
- Véronique ! Et toi ?
- Frédéric !

Délicatement, il l'installa sur le banc, finit de lui ouvrir le chemisier, puis libéra les seins de la prison de leur soutien-gorge et les caressa.

La peau en est douce et le contact excitant. Il approche sa bouche, se livre à quelques sages embrassades, puis devient plus hardi, ses lèvres cherchent la pointe et sont surprises de ne pas la trouver de suite. Il en conclut qu'il s'agit d'une poitrine où les tétons ne s'érigent que lorsqu'ils sont excités. Il donne alors quelques coups de langues bien appuyés, provoquant leur apparition. Ce téton est petit mais agréable à sucer. Il se dit qu'il aurait bien aimé en connaître la couleur, mais il lui plait de se le figurer rose. Véronique réagit aux caresses. Elle le lui dit. Elle lui dit qu'il embrasse bien. Frédéric est flatté, il aime que les femmes le complimentent. Celle-ci est douce, pleine de gentillesse ! Quel dommage qu'ils n'aient plus que quelques heures devant eux ! Il aurait dû venir plus tôt dans ce bois, quand la Terre était tranquille. On fait toujours les choses trop tard !

- Embrasse-moi ! 

Il est partagé, il serait bien resté à titiller ce sein, mais il n'a rien contre la tendresse d'un fougueux baiser sur les lèvres. Celui-ci est passionné, profond... et même baveux, un élan de mélancolie le gagne, s'il ne se domine pas il va se mettre à chialer. Il se retire et repart caresser et sucer ce sein. Une veille chanson un peu stupide lui revient à l'esprit :

" elle avait de tous petits tétons que je tétais à tâtons... tonton, tontaine ... "

- Il n'y a pas que mes seins ! Finit par dire Véronique !

Il le sait bien qu'il n'y a pas que les seins, mais il ne veut pas conclure trop vite ! Que restera-il après ? Sinon l'affreuse, l'angoissante, et terrible attente de l'inéluctable mort ! Il revient vers son visage, de sa langue il lui trifouille les oreilles, ça la fait rire, il l'embrasse dans le cou, sur le nez, il n'ose pas sur les paupières de peur de lui faire mal aux yeux.

Et puis il redescend une nouvelle fois, il enivre ses mains de sa peau, embrasse encore ses bouts de sein...

Son excitation devient pressante... pressante... pressante... Véronique émet des rauquements de plaisir et sa respiration devient haletante.

- Viens ! Viens !
- Je vais venir... je vais venir...

Merde ! Se dit Frédéric, se réveillant en sursaut, voilà que je fais des rêves érotiques à présent. A mon âge ! On aura tout vu ! Et puis quel rêve idiot !

C'est à cause de ces autres débiles qui paniquent parce qu'une super nova éclate à 100 années lumières de la terre. Mais, bon, vu la masse de l'objet et son éloignement, il est clair qu'on ne risque rien. Ah ! Bien sûr s'il elle avait été un peu plus près ou un peu plus massive... et que... merde... j'ai oublié un paramètre !

Il se leva du lit d'un bond, rejeta au passage le drap découvrant le corps nu de Solange qui dormait à ses côtés et fila vers l'ordinateur, se connecta à celui de l'observatoire. Une simple feuille Excel. Quelques formules. Une donnée à ajouter. Ça devenait simple avec l'informatique. Dans une seconde il lui suffirait d'appuyer sur la touche Enter pour connaître le destin de la Terre. Il s'amusait à retarder ce moment. Il allait enfin activer la touche quand un courant d'air le surpris.

 Il se leva, alla dans la chambre, reprit le drap pour en recouvrir Solange, le sort de la Terre n'était quand même pas à trente secondes près !

 Estonius - 6/2001

Cette histoire plutôt soft a été écrite dans le cadre du concours d'été 2001 du site revebebe. Mots obligatoires : Cimetière, farandole, harmonica, décalcomanie, désespoir, claquettes, manigances, gentillesse, aboiement, siroter. Mots interdits : Tous mots désignant une partie de l'anatomie humaine située en dessous de la ceinture.