De la masturbation
Page mise à jour le 15/08/2016


On n’est jamais si bien branlé que par soi-même." (Gérard de Nerval, cité dans le dictionnaire érotique moderne de Alfred Delvau, 1864)

Une confession inattendue

S'il y a une personne dont on n'attendait pas qu'elle nous parle de masturbation avec entrain, bonne humeur et (presque) sans culpabilité, c'est bien Sœur Emmanuelle (1908-2008)

Dans son ouvrage posthume "Confessions d'une religieuse", (paru quelques jours après sa disparition) et après nous avoir déclaré tout de go que le péché de la chair restait l'un des moins graves, elle nous livre quelques souvenirs en ces termes :

"Comment et à quelle occasion ai-je commencé à me masturber, je ne m'en souviens pas. Je pensais que ce n'était pas bien, puisque je le faisais en cachette et plus volontiers à l'école, où je me croyais plus en sûreté.

Mais la maîtresse s'en aperçut et prévint ma mère. Un jour, les joues en feu, je me trémoussais en classe et subitement je l'ai vue me regarder sévèrement à travers la vitre de la porte. Elle m'expliqua ensuite que c'était vilain pour une petite fille et que je ne devais plus recommencer.

Mais c'était devenu une habitude et je n'étais guère accoutumée à obéir. Quand l'assaut du désir m'assaillait, seule quelque présence étrangère avait le pouvoir de m'arrêter, sinon je m'avouais impuissante devant l'avidité du plaisir."

Et plus loin : "Mon âme s'évadait d'une chair prête à devenir l'amante possédée et possessive. Je me sentais soudain libre, libre : corps, cœur, volonté"

Voilà qui nous rend cette nonne décidemment fort sympathique. Il est vrai qu'elle n'a jamais été "ecclésiastiquement correcte", bien trop loin des préceptes du catholicisme et du pape actuel… elle a failli à son vœu d'obéissance pas mal de fois dans sa vie… elle a défendu la contraception, elle a contesté le célibat des prêtres… On est loin de la mère Teresa et vous aurez compris qu'elle n'est pas prête d'être canonisé… mais il est dommage que le paradis n'existe pas, elle aurait pu causer de tout ça avec l'abbé Pierre qui lui non plus n'avait pas fait une croix sur le plaisir sexuel.


On se calme !

Profitons-en pour rectifier quelques idées fausses :

Dans un ouvrage paru en 2005 ouvrage "Le Sexe en solitaire : contribution à l'histoire culturelle de la sexualité, Gallimard, 2005", son auteur, Thomas Laqueur nous explique qu'avant le 18ème siècle, on ne parlait pas de l'onanisme et que par conséquent, la masturbation ne posait pas de problème à l'Eglise

La position officielle de l'Eglise a toujours été la condamnation du plaisir en dehors du cadre reproductif, mais la masturbation n'aurait intégré le catalogue des interdits (sodomie, homosexualité, zoophilie etc.) qu'assez tardivement, à la suite de médecins laïcs, tels que le docteur Tissot, qui a popularisé en 1712, la théorie de la perte de la substance séminale, qui conduirait à la disparition de l'énergie vitale, d'où le nom probable d'ailleurs de "petite mort".

Cette idée que l'on se vide de sa substance en éjaculant n'est d'ailleurs pas propre à la culture chrétienne, puisque de nombreux ouvrages asiatiques proposent des méthodes pour hommes permettant de jouir sans éjaculer, afin, précisément, de ne pas perdre son énergie.

C'est sans doute de cette époque que naissent certaines légendes lié à l'interdit de la masturbation. On dit également que la masturbation provoquerait des problèmes d'ouïe (mais comme disait un humoriste, on peut éviter cela en prenant le soin de se laver les mains avant de se mettre les doigts dans les oreilles.) En d'autres lieux, le plaisir solitaire rendaient aveugle… fou… ou faisait pousser des poils dans les paumes.

On voit apparaître à cette époque les cages de chasteté pour jeunes hommes et jeunes femmes, les techniques de lange de bébés pour éviter qu'ils ne se touchent, l'obligation dans les pensionnats au début de dormir avec les mains sur les draps et les couvertures.  

Voici un témoignage d'un pensionnaire qui était jeune adolescent au milieu de 20e siècle :

"A confesse, les frères me demandaient si je pensais à des femmes en porte-jarretelles, alors que je ne savais pas ce que c'était, ou si je me mettais un doigt dans l'anus, comme si je pouvais avoir eu ces idées là avant qu'il ne me les souffle. De toute façon, j'étais absout après confession, donc je recommençais tous les jours, et ça me faisait quelque chose à dire. Ça m'a fait bizarre après de me masturber sans me confesser, j'avais pris l'habitude que les deux aillent ensemble."

Or si Laqueur a raison de dire que l'interdit de la masturbation est devenu obsessionnel au 18e siècle (de part l'alliance objective de l'Eglise et de la médecine dite hygiéniste), il a tort quand il croit pouvoir dire que la pratique ne posait pas problème à l'église avant cette époque.

Ce qui est vrai c'est qu'avant le 18ème siècle les mots "onanisme" ou "masturbation" ne sont jamais employés, mais ce n'est pas pour cela que la pratique n'est pas évoquée et condamné

Il est exact que dans beaucoup de textes anciens, on trouve des expressions génériques comme "péché contre nature". Comme on est en pleine imprécision, l'expression peut recouvrir les pratiques homosexuelles, la sodomie, la fellation, la zoophilie et la masturbation". Finalement on peut mettre ou extraire tout ce qu'on veut dans ce genre de liste.

Cet amalgame est en fait volontaire. En matière de sexualité il n'y a pour l'Eglise que deux catégories : Ce qui est toléré du bout des lèvres car associé à la procréation et tout le reste qui est intolérable au sens strict du mot. (Pour beaucoup de prédicateurs et écrivains du Moyen Age, le mariage n'est toléré que pour deux raisons : la procréation et éviter d'autres tentations de chair.)

Mais d'autres sont néanmoins plus explicites :

Ainsi, dans la lettre "Ad splendidum nitentis", adressée par le Pape Léon IX à Pierre Damien en 1054, il évoque la réprobation encourue par "ceux qui font jaillir la semence, soit par leurs propres mains, soit entre eux, ou qui l'ont répandue entre les cuisses" (qui vel propriis manibus vel invicem inter se egerunt semen, vel etiam inter femora profuderunt).

"J'ai recherché et obtenu le plaisir de la chair avec trop d'ardeur. J'ai très peu pensé à la procréation, ce bien pour lequel le mariage a été institué" indique une prière destinée aux personnes se confessant de ce genre d'action

"Il faut regarder comme considérables les attouchements sur soi même." précise un certain Lambert, confesseur de son état

L'amour doit se faire dans le "vase" et toujours dans le "vase" (bonjour la poésie) formule rabâchée pendant des siècles ! L'homme dessus devant dominer la femme… Certains moines théorisent leur propre refoulement avec parfois des formules qui font froid dans le dos comme le dénommé Saint Bernardin de Sienne… (1380-1444): "Sur 1 000 ménages, je crois que 999 appartiennent au diable." Dans cette vision ascétique, même le mariage apparaît suspect et ne protège pas de la luxure et du plaisir de la chair.

Robert Grossetête (ou Grosseteste, dit aussi Robert de Lincoln,) évêque anglais (1175-1253.) va jusqu'à étendre le péché de luxure à tous les effets liés aux corps : bains et danses excessifs, saignées inutiles, évacuations publiques d'excrément et/ou d'urines.

Saint Augustin déjà posait les bases de la condamnation de la sexualité : "L'âme est noble, le corps est impur !"  Et pourquoi le corps est-il impur ? "A cause de la punition divine provoquant la honte éprouvée par Adam et Eve à la vue de leurs organes nus."

La condamnation des actes sexuels non liés à la procréation a été une constante de l'Eglise. L'apparition de texte de médecins laïcs et hygiéniste au 18e siècle donna simplement une caution "pseudo scientifique" à ce discours. Il faut dire que du coté des hygiénistes on ne faisait pas dans la dentelle :

Ainsi dans son Traité sur l'onanisme qui donne des remèdes pour vaincre les tentations (63 éditions entre 1760 et 1905) Simon-Auguste Tissot (1728-1797) recommandait à l'époque le quinquina pour lutter contre "les maladies causées par l'onanisme" (Quelles maladies ?) le camphre pour annihiler la libido. Il recommandait de prendre du vin avant de dormir, déconseillait les grasses matinées, conseillait l'exercice, et indiquait de ne pas hésiter à utiliser des ceintures de chasteté. En revanche il déconseillait l'usage des saignées pour lutter contre la masturbation (il est bien bon, le Docteur Tissot). Il fit paraître "le livre sans titre", un livre dans lequel des images catastrophiques sont censés décrire les conséquences de la masturbation (voir ci contre la réédition de 1830). Une citation de Tissot sur la couverture annonçant la couleur : Cette funeste habitude (la masturbation) fait mourir plus de jeunes gens que toutes les maladies du monde.

Pour sa part, Adam Clarke (1760-1832) n'hésitait pas à écrire : "Ni la peste, ni la guerre, ni la petite vérole, ni les maladies similaires, n'ont produit de résultats aussi désastreux pour l'humanité que l'habitude pernicieuse de l'onanisme."

D'autres allaient encore plus loin en préconisant la circoncision.

Ecoutons à ce propos le Docteur Sir John Harvey Kellogg (1852-1943) oui, celui des céréales, c'est le même, puisqu'il considérait que l'alimentation trop riche provoquait une trop grande excitation sexuelle, et que c'est pour cette raison qu'il a inventé les corn-flakes !

"Un remède presque toujours efficace contre la masturbation chez les jeunes garçons est la circoncision. L'opération doit être faite par un chirurgien sans anesthésie, car la douleur de courte durée pendant cette opération a un effet salutaire sur l'esprit, surtout si elle est associée à l'idée de punition. Pour ce qui est des femelles, l'auteur a découvert que l'application de phénol pur sur le clitoris était un excellent moyen de maîtriser l'excitation anormale."

Alors aujourd'hui, plus de problèmes ?

Les hygiénistes ont remisé leur stupidité... Et si la francophonie européenne et canadienne s'est depuis plusieurs années affranchie de la morale de l'Eglise, celle-ci conserve une affluence non négligeable en Amérique, en Pologne, en Irlande. Et puis il n'y a pas que l'Eglise, tapez "masturbation interdite" sur Google et vous serez surpris du nombre de forum où des musulmans s'interrogent... En fait la position de l'Islam est la même que celle de l'Eglise : Le sexe c'est pour la procréation, toute sexualité qui ne recherche pas ce but est donc interdite :

La majorité des exégètes musulmans et des Imams considèrent que le fait de se masturber est interdit. Car cela consiste à "chercher au-delà des limites" fixées par la religion. Celui qui s'y adonne est donc un transgresseur, en vertu du verset coranique suivant : "Bienheureux sont certes les croyants, ceux qui sont humbles dans leur prière, qui se détournent des futilités, qui s'acquittent de la Zakât, et qui préservent leurs sexes (de tout rapport), si ce n'est qu'avec leurs épouses ou les esclaves qu'ils possèdent, car là vraiment, on ne peut les blâmer ; alors que ceux qui cherchent au-delà de ces limites sont des transgresseurs - Sourate 23 - Versets 1 à 7"

On ne pouvait pas ici passer sous silence les témoins de Jéhovah qui ont carrément pondu un ouvrage intitulé : Renoncez à la masturbation - Pourquoi ? Comment ? La Tour de Garde, 1er janvier 1974 dont voici quelques croustillants extraits :

"Pourquoi la très grande majorité de ceux qui se masturbent se cachent-ils pour le faire ? Comme nous l’avons vu, la masturbation est vraiment un "désir mauvais". C’est aussi de "l'impureté". C’est pourquoi celui qui s'y livre éprouve généralement de la honte et soustrait son acte répugnant aux regards des autres. D’autre part, il est reconnu que les gens anormaux, à l’esprit dérangé, se livrent à la masturbation, ce qui prouve le caractère anormal et contre nature de cette pratique." D'une manière quelque peu similaire, le Bremerton Sun (Washington) déclare que "nombre de prêtres et de religieuses à l’esprit dérangé sont esclaves d’habitudes masturbatoires." Ça c'est de la dialectique !


image un peu hors sujet mais amusante

Citations :

Jouis et fais jouir, sans faire de mal ni à toi, ni à personne, voilà je crois, toute la morale. (Nicolas de Chamfort - 1741-1794)

Je continue à considérer la masturbation comme le meilleur passe-temps possible (Jamie Lee Curtis)

Ne critiquez pas la masturbation, c'est faire l'amour avec quelqu'un que j'aime ! (Woody Allen dans Annie Hall - 1977)

Le vibromasseur n'a que des avantages par rapport aux hommes... sauf peut-être celui de ne pas savoir tondre la pelouse. (Madonna)

Si je suis un aussi bon amant aujourd'hui, c'est parce que je me suis longtemps entraîné tout seul ! (Woody Allen)

Une branlette et puis dodo ! (Charles Bukowski)

Anecdotes

Un jour le philosophe grec Diogène se masturba volontairement sur l'Agora d'Athènes en pleine journée. On le laissa faire respectueusement, car "un philosophe en ce temps-là démontrait sa doctrine par des actes plutôt que par des écrits", si bien qu'il réitéra... Il aurait déclaré à cette occasion : "Ah! S'il suffisait de se frotter ainsi le ventre pour n'avoir plus faim"

Annexe 1 : Extase mystique ou orgasme charnel ?

"L'extase de Sainte Thérèse" de Bernini (XVIIeme siècle) : yeux mi-clos, bouche entre-ouverte et corps à l'abandon.

Annexe 2 : Les bons mots sur Sœur Emmanuelle :

Pour la canonisation, c'est foutu ! Elle avait pourtant le choix dans la date (contrepèterie)

Et la sœur s'aima nue, elle !

La sœur est manuelle !

 Annexe 2 : Devinettes lusitaniennes

Question 1 : Monsieur et Madame qui sont portugais ont eu un enfant qui se masturbe très souvent. Il l’ont appelé comment ?
Réponse 1 : Manuel !
Question 2 : Certes, mais il se masturbe debout ?
Réponse 2 : Manuel Sanchez !
Question 3 : En fait, il se masturbe debout sur la Côte d'azur ?
Réponse 3 : Manuel Sanchez da Costa !
Question 4 : On a oublié de préciser qu'il se masturbait debout sur la Côte d'Azur pour la 200ème fois ?
Réponse 4 : Manuel Sanchez da Costa dos Santos !

 Quelques films avec des scènes de masturbation (en  principe simulée)

 

Une vraie jeune fille
Catherine Breillat 1976
(mais sorti en salle en 2000)
avec Charlotte Alexandra
Attache-moi
Pedro Almodovar, 1990
(avec Victoria Abril)
Mulholland Drive
David Lynch, 2001
(avec Naomie Watts)
La secrétaire
Steven Shainberg (2002)
(avec James Spader, Maggie Gyllenhaal)
Les anges exterminateurs
Jean-Claude Brisseau 2006
(avec Lise Bellynck)
Antichrist
Lars von Trier 2009
(avec Charlotte Gainsbourg)
Mammuth
Benoît Delépine et Gustave Kervern, 2010)
(avec Gérard Depardieu)
Black Swan
Darren  Aronofsky 2011
(avec Natalie Portman)
Paper Boy
Lee Daniels 2012
(avec Nicole Kidman)
Jeune et Jolie
François Ozon 2013
(avec Marine Vacth)
     
Le loup de Wall Street
Martin Scorsese, 2013
DiCaprio complètement camé se branle
 en public en voyant arriver Margot Robbie
Fou d'amour
Philippe Ramos, 2015
Le curé, allongé nu dans l'herbe,
se fait du bien en admirant le ciel étoilé.
     

 Une partie des informations mises en ligne ici proviennent de cette excellente page